Un témoignage de Jean-Marie Redon.
Bill Keith était un génie musical. Il n’est pas exagéré de dire que les trois piliers du banjo moderne sont : Earl Scruggs, Don Reno et Bill Keith. Tous les autres banjoïstes, s’ils ont apporté leur propre style et innovations se sont reposés sur les techniques inventées par ces trois musiciens. Il se peut que nombre d’entre nous, surtout en Europe, les plus jeunes sans doute, ne mesurent pas le réel impact qu’a eu Bill sur la musique de banjo de notre époque. Bill venait souvent en Europe, il se comportait de manière simple et amicale et il était souvent disponible. On peut aisément croire que quelqu’un d’aussi proche et amical ne peut pas être un musicien exceptionnel mais seulement un excellent joueur de banjo.
Comment j’ai rencontré la musique de Bill.
Alors que j’étais un apprenti banjoïste et que je commençais tout juste à comprendre la musique de Scruggs, j’ai découvert un disque qui à son époque a été une borne dans la musique Bluegrass : Red Allen, Frank Wakefield and the Kentuckians. Dans cet album il y avait deux banjoïstes. L’un d’eux était Bill Keith. Et là, je n’en ai pas cru mes oreilles. Ce son était entièrement nouveau. Il m’était absolument impossible d’imaginer comment on pouvait jouer comme cela. Les deux breaks de banjo sur l’instrumental de mandoline de Frank Wakefield New Campton Races restent encore pour moi aujourd’hui la musique de banjo bluegrass la plus élaborée.
Comment j’ai rencontré Bill.
Alors qu’il se trouvait dans un Folk Club parisien, (le T.M.S. début des années 70.) Eric Kristy, guitariste avec lequel je jouais dans le groupe « Bluegrass Connection » a rencontré un banjoïste américain. Il discute avec lui et tape le bœuf. Dans la discussion Eric tente de décrire à ce banjoïste (Bill) ce que sont les Scruggs/Keith pegs. Et la réponse est : « je sais, c’est moi qui les ai inventées avec un copain ». Le soir même Eric frappait à ma porte pour me demander ce que je dirais s’il invitait Bill Keith à diner chez moi ? Je ne l’ai pas pris au sérieux et un quart d’heure plus tard il passait ma porte en compagnie de Bill. Par la suite Bill est venu souvent en France et il tournait en Europe avec des musiciens français.
La méthode de banjo Keith, Redon.
Plusieurs années plus tard, j’ai eu l’opportunité d’accompagner le célèbre guitariste Marcel Dadi. Marcel avait écrit une méthode de guitare pour les éditions Warner/Chappel. Cette méthode remportait un succès commercial important. Profitant de ce contact et venant d’enregistrer mon premier album de banjo, je proposai à cet éditeur une méthode de banjo. Avec l’appui de Marcel Dadi le projet fut retenu. Alors que je commençais à travailler sur cette méthode, j’ai reçu la visite de Bill Keith qui m’a fait une proposition que je ne pouvais pas refuser. Ecrire ensemble cette méthode de banjo. Nous avons travaillé intensément et un mois plus tard la méthode était terminée. Avec la collaboration de Bill cette méthode est devenue bien sûr plus élaborée, surtout sur le chapitre « théorie musicale ». Mais cet ouvrage n’est pas une méthode sur la technique de Bill Keith, c’est seulement une méthode de banjo en français car c’était le besoin de l’époque. Ces derniers temps cette méthode a été traduite en anglais par les éditions Melbay.
Bill, s’il pouvait parfois avoir un caractère un peu difficile, était sincère en amitié. Il aimait le partage. Sans doute un peu timide il n’aimait pas être mis en avant et n’aimait pas les compliments. Nous avons été nombreux à rencontrer ce musicien exceptionnel et nous avons pensé de part son attitude qu’il était notre ami. Il laisse un grand vide dans notre univers mais il ne sera pas oublié tant que la musique de banjo existera.
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